dimanche 20 février 2011

Yeux cernés et coeur content...!

             Si vous suivez mes tribulations depuis quelques mois, vous savez que depuis septembre, mon quotidien d'enseignante est fait de défis de taille.  La démotivation, les grands questionnements, la fatigue et avouons-le le découragement ont été mon lot.  J'ai pris le temps qu'il a fallu pour que minimalement «mon body» puisse suivre et tenir la route. Mes élèves m'ont fait vivre des situations que je n'avais jamais vues auparavant.  J'ai été confrontée à des situations me plaçant devant des réflexions  professionnelles éthiques.  Ma patience a été souvent mise à rude épreuve. Il est arrivé que mes collègues passent par ma classe pour me décrire de situations dont elles ont été témoin en me disant : « Je ne sais pas comment tu fais...»
               Mon leitmotiv cette année aura été: «Fais de ton mieux et tente de trouver, ne serait-ce que 2 minutes pour avoir du plaisir avec tes grands.»  Je m'y suis accrochée comme à une bouée de sauvetage. Parfois, je n'arrivais qu'à vivre qu'une petite minute agréable par jour. D'autres journées, je m'arrêtais pendant que les enfants travaillaient pour offrir des sourires et des mots gentils aux élèves les plus discrets. 

                Depuis 5 ans, je reçois des stagiaires. Chaque fois, je leur demande: «Pourquoi l'enseignement?» Puis, après avoir entedu leur réponse, je tente de leur démontrer «qu'aimer» les enfants n'est pas une fondation qui me semble suffisante.  Mon expérience d'enseignante m'a permis de comprendre que ce n'est pas mon travail d'aimer les enfants, mais que mon rôle social, surtout dans le milieu défavorisé dans lequel je travaille, me demande de croire en eux, envers et contre tout. Et bien, mes grands moineaux de cette année m'auront demandé l'intégrité de démontrer que je suis apte à agir tel que je le pense.

                 Jeudi dernier, notre école a organisé une «journée blanche» où les enfants pourraient vivre des activités hivernales sur les flancs de la montagne que nous avons la chance d'avoir tout près.  J'avoue que j'anticipais un peu cette journée.  J'ai visité, le temps de la nuit de mercredi, plusieurs fois dans ma tête le déroulement de ma journée et de tous les moments où mes élèves pourraient possiblement profiter des consignes un peu moins précises.  Je me suis présentée à eux tout sourire jeudi matin, avec une petite pression craintive non loin du plexus solaire. Nous avons revisité les consignes de la journée, préparé notre matériel.  «À la grâce de Dieu!» et nous sommes sortis.

                 Malgré toutes mes appréhensions, tous les réajustements nécessaires pour des raisons de logistique peut-être mal anticipées, mes élèves ont été patients, bon joueurs, collaborateurs.  Ils ont accepté de céder leur place aux plus petits de notre école afin que ceux-ci puissent glisser. Cela impliquait une demi-heure d'attente, qu'ils ont très bien gérée.  Ensuite, à cause du doux temps, nous avons dû «accrocher nos patins». Sans rechigner, ils ont accepté la proposition de jouer au «hockey-bottine» et de jouer dans le grand parc.  Le rangement a été facile, le respect des consignes simple et rapide.  Je suis rentrée chez moi exténuée, surtout parce que j'ai dû, quelque part, cacher la nervosité qui m'habitait.

                 Vendredi matin, en bonne enseignante que je tente d'être, j'ai fait une objectivation avec mes grands de cette journée de plein-air. Quelle ne fût pas ma surprise de voir un élève habituellement discret lever la main pour me dire: «Moi, j'aimerais bien féliciter J. et J. parce qu'ils ont fait quelque chose de bien. Tu sais l'élève de deuxième année qui a un grand problème à un pied? Et bien à un moment donné, il avait vraiment mal, mais il souhaitait glisser encore. Alors, J. et J. lui ont dit de s'asseoir sur son tube et ils l'ont monté, à pieds, en haut de la montagne à quelques reprises pour qu'il puisse avoir du plaisir lui aussi.»

                  Je suis restée bouche bée.  La réaction des autres élèves? Ils ont applaudi.  Mon regard se promenait de J. à J..  J'étais surprise et tellement contente.  Depuis 6 mois, j'essaie de les convaincre qu'ils possèdent eux aussi un p'tit côté givré, que l'agressivité ne fait qu'un peu d'ombre sur tout ce qu'ils possèdent de plus doux.  Et les voilà, tous deux, prendre une telle initiative.  J'avoue. Ils auront réussi à me faire verser une petite larme de fierté. 

                  Oui. Croire en eux, envers et contre tout. C'est le plus beau cadeau que je puisse leur rendre. Et dans ce qui m'a été raconté vendredi, le plus «payant». 

                   Il aura fallu 6 mois pour que nous puissions nous apprivoiser. 6 mois pour qu'un lien réel de confiance se tisse entre nous.  C'est vraiment chouette. Par contre, j'y sens aussi la responsabilité rattachée: ce n'est pas le renard du petit Prince qui dit que nous sommes responsables de ce que nous apprivoisons?

                   Il nous reste 4 mois pour continuer de cheminer. 4 mois où je pourrai encore, j'espère, les regarder s'épanouir.  Je suis bien fière de mes grands moineaux.  Oui, mes yeux sont cernés, mais qu'est-ce que mon coeur est content.

3 commentaires:

  1. Kalthass que tu enseignes dans un milieu difficile.

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  2. Ton texte devrait être lu par le plus grand nombre d'enseignants. Pour se rappeler de voir le potentiel, de croire, de persévérer.

    Je te souhaite une belle fin d'année !

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  3. C'est curieux pour moi de vous lire ce matin.

    Je viens tout juste d'accompagner quelques-uns de mes élèves dans une soirée de bénévolat.
    Mes deux plus grands qui, dans ma classe, sont les plus volubiles et qui questionnent mon autorité se sont avérés les plus aidants. Ils ont été au devant des tâches à accomplir en étant très polis et sociables,

    Nous savons tous que nos élèves ont des talents et des qualités qui sont peut-être «déguisés» dans un contexte académique. Quel privilège ai-je eu d'avoir vécu ceci avec eux et surtout de vous avoir lu afin que je m'y arrête.

    Comme c'est bon et sain de sortir de la classe, jeunes ET enseignants pour que nous puissions mutuellement nous découvrir en tant qu'être humains.

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