J'ai pris le temps de revisionner le premier webépisode inscrit sur le site de La Déséducation de Mathieu Côté-Desjardins et je ne peux me montrer qu'ambivalente face aux propos qui y sont énoncés. Je suis d'accord avec certains aspects, mais pour d'autres il me semble qu'on entre sur un terrain glissant, une fosse aux généralisations.
J'ai terminé ma formation universitaire initiale en enseignement en 1999. J'ai donc fait partie de la première cohorte du bacc de 4 ans, celui grâce auquel on supprimait de notre parcours professionnel la probation en l'intégrant à notre dernier stage.
Tout comme Mathieu, j'ai, au départ, réalisé que l'Université, dans le cadre du programme en EPP, était loin de ce que j'avais imaginé. Moi qui rêvais de médecine, j'imaginais l'Université remplie d'auditoriums de 400 places, de profs, qui un peu comme dans les films, donnent leurs cours sans s'interrompre pour les questions; elles se doivent de venir à la fin des cours.... Pour moi, Université rimait avec travail et rigueur intellectuelle. Quand j'ai commencé mes cours en EPP, le premier cours auquel j'ai participé était un cours où les 30 étudiantes que nous étions avons placé nos pupitres en cercle pour nous présenter et parler de comment on anticipait notre parcours universitaire. Ouf! Je ne voulais pas parler de mes émotions, je voulais apprendre, me plonger dans mes livres, dans de grands questionnements, des débats et surtout réfléchir sur MA place dans l'éducation, mes capacités, sur ce que je devais développer, acquérir en lien avec qui je suis et l'enseignante que je souhaitais devenir.
Dire que je n'ai pas été déçue de ma première session à l'Université serait mentir. J'ai discuté avec mes professeurs, j'ai questionné les étudiantes, j'ai parlé avec ma mère et ses collègues. J'ai fini par comprendre que l'Université, c'est un endroit où c'est MA responsabilité de prendre contact avec la matière, de me questionner, de tenter d'aller plus loin. Malgré le fait que j'ai souvent trouvé que la quantité de matière qu'on me donnait à apprendre était insuffisante, que la complexité des travaux était infantilisante, j'ai fini par trouver la façon de tirer le maximum de ma formation universitaire.
Personnellement, ce n'est pas la façon avec laquelle l'Université réfléchit les cours et la structure de la formation qui m'a le plus dérangée. L'attitude des étudiantes, toujours à chercher ce qui faisait partie de la pondération ou non, qui négociaient le pointage de certains travaux, à revenir sur la matière du cours précédent, à se plaindre qu'il y avait trop de lectures, trop de pages à écrire.... Ça, c'est exactement ça qui m'exaspérait. Je payais, tout comme elles, mes crédits, ma présence dans ces cours. Comment se faisait-il que ces étudiantes monopolisaient le temps des cours alors que nous étions quand même nombreuses à vouloir apprendre, à vouloir aller plus loin? Est-ce que c'est le cursus universitaire qui est à repenser ou la vertueuse volonté de l'Université de s'accorder aux «besoins» de ces étudiants?
Je suis d'accord avec ce qui est énoncé dans la vidéo ; on est peut-être un peu trop permissif en ce qui a trait à l'admission des étudiants au EPP. Il y a beaucoup d'appelés et vraiment beaucoup d'élus. Je comprends bien les besoins de financement des activités universitaires et les subventions accordées à chaque inscription. Par contre, comme institution de formation professionnelle, elle se doit à beaucoup de rigueur et d'exigences, il me semble. Il est faux de croire que tous peuvent devenir enseignant.
L'accompagnement «pratique» des étudiants peut aussi être problématique dans l'optique d'une formation initiale de qualité. Tous ceux qui sont passés par un bacc en enseignement vous diront qu'il y a un monde entre ce qu'on apprend à l'Université et ce que nos enseignants-associés vivent et démontrent dans leur classe. Est-ce dire que les connaissances et les recherches avancent plus vite que les milieux scolaires? Je comprends que lorsque l'Université doit offrir 400 places de stage pour l'année scolaire en cours, toutes les offres de stage sont bienvenues. Par contre, n'y aurait-il pas moyen d'établir un système de discimination des milieux de stage, de ce qui peut y être offert aux étudiants et de chercher des associations vraiment gagnantes? J'ai vu de mes collègues vivre des stages où elles ont enseigné à peine, où elle ont fait des affiches, bâti des jeux et fait des photocopies tout en réussissant avec un A+ un stage qui leur demandait de réfléchir sur leur orientation professionnelle, sur leurs capacités versus les exigences de la profession. Humm. Est-ce que des liens plus étroits peuvent être tissés entre les classes accueillant des stagiaires et l'Université? Moi, en tous cas, je serais prête à expérimenter un projet comme celui-là.
Finalement, je ne peux m'empêcher de sourire quand j'entends des étudiants ou de jeunes diplômés se plaindre de l'Université et des cours reçus. J'ai fait cette démarche aussi, j'ai chiâlé moi aussi. Mais maintenant que je suis plus expérimentée, je referais volontier mon bacc... J'aimerais refaire certains cours avec ce que je sais maintenant du milieu. Il y a 10 ans, je ne pouvais pas apprécier l'étendue et la portée de ce que l'Université m'offrait comme formation et comme information.
Je pense que c'est un leurre important et une utopie de penser qu'une Université, un diplôme, 4 ans de formation et un brevet en enseignement assurent la compétence d'un enseignant. Parce que nous travaillons dans un domaine humain, parce que la société est en constante évolution, parce que les valeurs sociales sont mouvantes, même 35 années de formation ne nous seraient pas suffisantes pour assurer d'être préparé à toute l'étendue des besoins et des connaissances requis pour faire face à la réalité scolaire.
Il me semble que l'élément le plus important dans le développement de la compétence d'un étudiant et/ou d'un enseignant, c'est son auto-détermination à toujours rester à l'affût, à se poser des questions, à s'associer à des collègues, à se créer un réseau qui discute, expérimente et célèbre ses réussites. C'est donc dire que la professionnalisation du monde de l'éducation passe par le mouvement vers l'avant de ses artisans, dans le désir de toujours revenir à l'essence de notre travail, nos élèves, leur développement cognitif, personnel et social.
Accuser l'Université de ne pas offrir une formation initiale adéquate doit se faire en s'assurant que nous sommes nous-mêmes engagés dans notre propre formation et que nous acceptons d'aller au-delà, de ce qui nous est offert. Sinon, cela m'apparaît être d'une grande déresponsabilisation personnelle.