dimanche 14 novembre 2010

De l'insuffisance de la formation initiale

J'ai pris le temps de revisionner le premier webépisode inscrit sur le site de La Déséducation de Mathieu Côté-Desjardins et je ne peux me montrer qu'ambivalente face aux propos qui y sont énoncés. Je suis d'accord avec certains aspects, mais pour d'autres il me semble qu'on entre sur un terrain glissant, une fosse aux généralisations.

J'ai terminé ma formation universitaire initiale en enseignement en 1999. J'ai donc fait partie de la première cohorte du bacc de 4 ans, celui grâce auquel on supprimait de notre parcours professionnel la probation en l'intégrant à notre dernier stage.

Tout comme Mathieu, j'ai, au départ, réalisé que l'Université, dans le cadre du programme en EPP, était loin de ce que j'avais imaginé.  Moi qui  rêvais de médecine, j'imaginais l'Université remplie d'auditoriums de 400 places, de profs, qui un peu comme dans les films, donnent leurs cours sans s'interrompre pour les questions; elles se doivent de venir à la fin des cours.... Pour moi, Université rimait avec travail et rigueur intellectuelle.  Quand j'ai commencé mes cours en EPP, le premier cours auquel j'ai participé était un cours où les 30 étudiantes que nous étions avons placé nos pupitres en cercle pour nous présenter et parler de comment on anticipait notre parcours universitaire. Ouf! Je ne voulais pas parler de mes émotions, je voulais apprendre, me plonger dans mes livres, dans de grands questionnements, des débats et surtout réfléchir sur MA place dans l'éducation, mes capacités, sur ce que je devais développer, acquérir en lien avec qui je suis et l'enseignante que je souhaitais devenir.

Dire que je n'ai pas été déçue de ma première session à l'Université serait mentir.  J'ai discuté avec mes professeurs, j'ai questionné les étudiantes, j'ai parlé avec ma mère et ses collègues. J'ai fini par comprendre que l'Université, c'est un endroit où c'est MA responsabilité de prendre contact avec la matière, de me questionner, de tenter d'aller plus loin. Malgré le fait que j'ai souvent trouvé que la quantité de matière qu'on me donnait à apprendre était insuffisante, que la complexité des travaux était infantilisante, j'ai fini par trouver la façon de tirer le maximum de ma formation universitaire.

Personnellement, ce n'est pas la façon avec laquelle l'Université réfléchit les cours et la structure de la formation qui m'a le plus dérangée. L'attitude des étudiantes, toujours à chercher ce qui faisait partie de la pondération ou non, qui négociaient le pointage de certains travaux, à revenir sur la matière du cours précédent, à se plaindre qu'il y avait trop de lectures, trop de pages à écrire.... Ça, c'est exactement ça qui m'exaspérait. Je payais, tout comme elles, mes crédits, ma présence dans ces cours. Comment se faisait-il que ces étudiantes monopolisaient le temps des cours alors que nous étions quand même nombreuses à vouloir apprendre, à vouloir aller plus loin?  Est-ce que c'est  le cursus universitaire qui est à repenser ou la vertueuse volonté de l'Université de s'accorder aux «besoins» de ces étudiants?

Je suis d'accord avec ce qui est énoncé dans la vidéo ; on est peut-être un peu trop permissif en ce qui a trait à l'admission des étudiants au EPP.  Il y a beaucoup d'appelés et vraiment beaucoup d'élus. Je comprends bien les besoins de financement des activités universitaires et les subventions accordées à chaque inscription. Par contre, comme institution de formation professionnelle, elle se doit à beaucoup de rigueur et d'exigences, il me semble. Il est faux de croire que tous peuvent devenir enseignant.

L'accompagnement «pratique» des étudiants peut aussi être problématique dans l'optique d'une formation initiale de qualité. Tous ceux qui sont passés par un bacc en enseignement vous diront qu'il y a un monde entre ce qu'on apprend à l'Université et ce que nos enseignants-associés vivent et démontrent dans leur classe. Est-ce dire que les connaissances et les recherches avancent plus vite que les milieux scolaires?  Je comprends que lorsque  l'Université doit offrir 400 places de stage pour l'année scolaire en cours, toutes les offres de stage sont bienvenues.  Par contre, n'y aurait-il pas moyen d'établir un système de discimination des milieux de stage, de ce qui peut y être offert aux étudiants et de chercher des associations vraiment gagnantes?  J'ai vu de mes collègues vivre des stages où elles ont enseigné à peine, où elle ont fait des affiches, bâti des jeux et fait des photocopies tout en réussissant avec un A+ un stage qui leur demandait de réfléchir sur leur orientation professionnelle, sur leurs capacités versus les exigences de la profession.  Humm. Est-ce que des liens plus étroits peuvent être tissés entre les classes accueillant des stagiaires et l'Université? Moi, en tous cas, je serais prête à expérimenter un projet comme celui-là.

Finalement, je ne peux m'empêcher de sourire quand j'entends des étudiants ou de jeunes diplômés se plaindre de l'Université et des cours reçus.  J'ai fait cette démarche aussi, j'ai chiâlé moi aussi. Mais maintenant que je suis plus expérimentée, je referais volontier mon bacc... J'aimerais refaire certains cours avec ce que je sais maintenant du milieu. Il y a 10 ans, je ne pouvais pas apprécier l'étendue et la portée de ce que l'Université m'offrait comme formation et comme information.

Je pense que c'est un leurre important et une utopie de penser qu'une Université, un diplôme, 4 ans de formation et un brevet en enseignement assurent la compétence d'un enseignant.  Parce que nous travaillons dans un domaine humain, parce que la société est en constante évolution, parce que les valeurs sociales sont mouvantes, même 35 années de formation ne nous seraient pas suffisantes pour assurer d'être préparé à toute l'étendue des besoins et des connaissances requis pour faire face à la réalité scolaire. 

Il me semble que l'élément le plus important dans le développement de la compétence d'un étudiant et/ou d'un enseignant, c'est son auto-détermination à toujours rester à l'affût, à se poser des questions, à s'associer à des collègues, à se créer un réseau qui discute, expérimente et célèbre ses réussites.  C'est donc dire que la professionnalisation du monde de l'éducation passe par le mouvement vers l'avant de ses artisans, dans le désir de toujours revenir à l'essence de notre travail, nos élèves, leur développement cognitif, personnel et social.

Accuser l'Université de ne pas offrir une formation initiale adéquate doit se faire en s'assurant que nous sommes nous-mêmes engagés dans notre propre formation et que nous acceptons d'aller au-delà, de ce qui nous est offert. Sinon, cela m'apparaît être d'une grande déresponsabilisation personnelle.

samedi 13 novembre 2010

Irritation chronique

Mon ami Marc-André Caron vient de déposer sur Twitter un raccourci qui nous mène à un extrait de l'émission Dumont360 où on parle de la sortie de Charest sur le décrochage scolaire et l'implication des parents.  J'ai «débrumé» mon cerveau du samedi matin avec ces mots. Bon matin!

Je suis un peu tannée de ces sorties publiques de gens qui ne sont pas pédagogues, qui ne travaillent pas dans le milieu de l'éducation où ils s'«imposent» par des commentaires sur les façons de faire, la réflexion qui sous-tendent nos actions professionnelles.

Prenons deux minutes pour réfléchir à tous les autres milieux professionnels qui oeuvrent dans notre société. Accepteraient-ils qu'on bouscule, critique, demande de simplifier leurs actions pour que la population comprenne? Je comprends fort bien que nous travaillons avec les parents de nos élèves et que si nous voulons qu'ils comprennent nos actions pour qu'ils puissent s'impliquer. Mais cela implique-t-il que nous devions tout requestionner sous prétexte qu'il est plus facile de comprendre «Lire» que «Lire des textes variés»? Un médecin accpeterait-il de changer sa façon de faire ses diagnostics sous prétexte qu'on ne comprend pas ce qu'il écrit sur son ordonnance, ni ce que sont les médicaments? Mon analogie est peut-être grossière, mais je tente simplement de démontrer à quel point la conception des actions d'un enseignant ne sont pas reconnues comme étant celles d'un professionnel.

J'ai déjà enseigné à des enfants de notaire, d'avocat, de pédiâtre, de pharmacien.  Je ne remets aucunement en doute leur capacité à travailler avec des articles de lois, avec les maladies infantiles ou avec toute la complexité des éléments chimiques des composés pharmaceutiques. Dans leur milieu de travail, ce sont eux qui possèdent la connaissance, l'expertise.Par contre, dans les quatre murs de ma classe, dans l'espace de mon école, mes collègues et moi avons une expertise, des questionnements et des actions qui sont professionnels, tout comme dans ces milieux.

Permettez-moi de faire mon travail et s'il y a des choses qui vous laissent pensifs, qu'il vous est difficile à comprendre, questionnez-moi. Il me fera plaisir de vous répondre.

Qu'on m'invite à modifier mes pratiques pour le bénéfice de mes élèves, j'embarque.
Qu'on m'invite à réfléchir sur les préceptes de l'apprentissage,  je suis au premier rang.

Mais qu'on me demande de revenir en arrière, de favoriser l'évaluation des connaissances dans un contexte d'enseignement par compétence, de mettre des pourcentages sur les capacités de transfert de mes élèves et qu'en plus, on se permette d'émettre des opinions distordues sur les fondements de mon travail ...

J'en ai assez des faux prophètes mal informés qui répandent des faussetés.

vendredi 12 novembre 2010

Ironie

Ceux qui me côtoient au quotidien cette année vous le diront: je suis claquée.
Ce matin, le 12 novembre, je suis impressionnée par la largeur des cernes qui ont élu domicile
sous mes petits yeux bleus. Mon sommeil est soutenu par de petites capsules bleus parce que
le mental choisi de faire du temps supplémentaire, bien malgré moi.

Il y a 11 ans que je suis titulaire d'un groupe au primaire. J'ai enseigné à tous les degrés du primaire.
Je suis entrée sur le marché du travail en même temps que le nouveau programme.
Sentant le besoin de mieux comprendre les fondements de cette fameuse Réforme,
j'ai opté pour de la formation continue, autodidacte et universitaire.
J'ai acheté et lu bien des livres pédagogiques.
Après toutes ces démarches, je pense que je comprends mieux que la Réforme, c'est pas sorcier,
qu'il ne fallait surtout pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Ce n'était pas vraiment une Réforme....C'était plutôt un ajustement du «focus», passer du contenu à l'élève.

Je suis heureuse de tout ce que j'ai investi comme argent, temps et efforts pour modifier mes pratiques: tout
cela fait de moi la professionnelle que je suis, la personne que je suis. L'investissement que j'y ai consacré a
aussi un côté sombre... Cette année, c'est ce qui me rebondit en pleine face.

Mon frère vient de recevoir, à 33 ans, un diagnostique de fibromyalgie. Selon son médecin, c'est la conséquence d'un stress prolongé, d'heures de sommeil amputées.  Mon frère s'en est demandé beaucoup,
son corps exige maintenant beaucoup. Ça m'a fait réfléchir, je ne veux pas m'y rendre.

Je regarde ma classe, l'énergie qu'il faut que j'y investisse. J'ai consulté ma direction, lui ai dit que j'aurais peut-être besoin d'aide pour compléter les dossiers, pour les boucler avant que mes protégés puissent arriver au secondaire avec «un passeport» en règle. «Je ne veux pas que tu sois seule là-dedans.» a été sa réponse. Réponse appréciée que je souhaite salvatrice.

J'ai pris aussi la peine de discuter avec elle de la démotivation qui s'empare de moi. Du fait que malgré l'importance que je comprends de ce métier, de mon désir de l'exercer du mieux que je le peux, j'ai franchement le goût de baisser les bras.  Je me questionne vraiment sur le fait que 10 ans après l'arrivée
du nouveau programme, je reçoive cette année de la formation sur l'enseignement stratégique et explicite et que ce soit perçu comme étant d'une nouveauté troublante.

Je suis questionnée par le fait que même ma direction me dise : « Tu sais, c'est une grosse machine. Il y a des incontournables avec lesquels tu dois apprendre à vivre. Il te reste 25 ans à faire. Il ne faudrait pas que tu trouves le temps long...» Comme si ce qui est, doit être la réalité.  Comme si on ne pouvait changer les choses. Pour avoir fait les démarches pour obtenir un poste de direction d'établissement scolaire, je comprends très bien que le rôle de nos supérieurs immédiats n'en est pas un décisionnel, mais beaucoup plus
d'applications de ce que la commission scolaire, le misitère leur demande. Mais comme se fait-il que certains milieux acceptent de se déstabiliser, de vivre des projets novateurs pour se rapprocher encore davantage des
besoins d'apprentissage, de motivation et de développement de leurs élèves? Qui a la candeur et les «couilles» de tenter, d'expérimenter? Dans mon milieu, la plupart des enseignants seraient prêts, le leadership toujours changeant et les possibilités pécunières ne nous permettent pas un saut vers l'avant pour l'instant.

J'ai l'impression d'étouffer et me questionne sérieusement sur mon désir de continuer à travailler, machette à la main pour défricher, pour découvrir, pour aller vers l'avant, quand par la suite, on me demande d'attendre, de comprendre que chacun avance à son rythme.

Ce matin, c'est un vendredi où je me dis: «Je dormirais bien jusqu'à midi.» Je n'ai pas particulièrement le goût de gérer les devoirs non-faits, de pousser la machine malgré que mes grands me disent: «On peut pas prendre ça relaxe, c'est vendredi!», de regarder la pile de correction, de choses à préparer pour la semaine prochaine pour différencier mon enseignement, de regarder ce que j'ai à faire pour tous les comités pour lesquels je suis impliquée... Ce matin, mon idéalisme est un peu terni par le peu de sommeil que la correction d'hier soir à laisser sur ma nuit.

Ironie de la vie. Vous savez quoi? J'ouvre ma boîte de courriel et j'y trouve ceci.Un petit courriel d'un ancien élève, d'il y a deux ans, qui est entré dans ma classe avec un dossier dans lequel il était écrit que ses capacités scolaires étaient limitées, que la socialisation était ce que nous devions faire pour lui. Lui et moi avons travaillé fort. Nous avons pris du temps, après l'école, sur l'heure du dîner pour permettre aux images d'apparaître dans sa mémoire de travail. L'an dernier, il a fait une année au secondaire en cheminement d'appoint, pour consolider ses apprentissages du primaire. Mon amie Julie a repris le dossier et a travaillé avec lui aussi fort que nous l'avions fait.

«Salut,

       J'espaire que tu va bien. Tu me manque boucoup.  Je voulais te dire que je suis content de tavoir eu
comme prof. J'ai utiliser les trucs que tu m'a donné et puis cette année, je suis en 2e au régulier. Sa va bien.
J'ai des bonne notes. Merci de m'avoir aidé. comment sa va avec tes nouveau élèves?

                                                                                    Ton ancien élève»

.... .... ....
Bon. Je crois bien que je vais prendre une douche et me rendre dans ma classe.
Mes moineaux ont besoin de moi.

lundi 8 novembre 2010

La définition d'un bon élève...

        Ce soir, je suis un peu triste. J'ai besoin d'écrire pour réfléchir.

         Cette année, les élèves avec lesquels je travaille me proposent un défi de taille: celui de l'intégrité vis-à-vis mes croyances fondamentales personnelles et pédagogiques.

           Je travaille dans une classe multi-programme du 3e cycle. J'ai 25 élèves. De ces élèves, plusieurs sont en fin de francisation. D'autres sont en grandes difficultés d'apprentissage. Puis enfin, j'ai 5 mousquetaires qui vivent avec un sentiment de compétence scolaire assez bas pour entretenir des comportements qui nous démontrent qu'ils ont choisi de bouder un système scolaire qui leur a permis de voir plus souvent leurs travers que leurs bons coups.

          J'ai commencé l'année toute enthousiaste avec un plan de match vraiment intéressant: ayant pris l'été pour décortiquer la progression des apprentissages, pour structurer ma classe afin qu'elle y accueille la différenciation d'une façon souple et flexible, je me retrouve avec l'impossiblité mettre en place mes idées parce que mes élèves n'ont pas la maturité cognitive et émotive pour relever le défi. Je dois avouer que j'ai été un peu déçue, mais pas découragée. Je me suis simplement dit qu'il fallait voir les choses d'un oeil différent.

          J'ai pris deux fins de semaine pour dresser le portrait le plus fidèle et complet des besoins de mes moineaux. Ayant à coeur leur développement maximal, j'ai remis le tout, à qui de droit, satisfaite et anticipant les ressources qu'on allait m'offrir.  À mon grand étonnement, les discussions que nous avons reposent sur des aspects qui me titillent un brin... Je ne sais trop comment me situer vraiment, mais je suis certaine qu'il ne faut pas perdre de vue que je travaille avec des enfants...

         Cette année, on dirait que je travaille avec deux types d'élèves: ceux qui ont compris qu'entrer dans le moule leur permettrait d'avoir un minimum d'ennuis et ceux qui, parce que ce n'est que ce qu'ils connaissent, agissent comme ils ont vu certains adultes le faire, comme ils le peuvent  faute de mieux.  On me demande d'établir de règles, des modes de fonctionnement qui ne laissent aucune place à l'erreur, aucune place à l'apprentissage. C'est du tout ou rien. Cette méthode sera efficace, je ne peux le nier. Cependant, je reste un peu  rétissante parce que je ne suis pas certaine qu'une peau irritée a besoin d'un traitement au gant de crin.

         Je sais  qu'une fleur ne pousse pas plus vite si on tire dessus. Je suis aussi assez certaine qu'elle ne pousse pas du tout si on la piétine. Est-ce que ce que je souhaite pour mes élèves est de les voir prendre leur envol, d'ouvrir leurs ailes et de se rapprocher de ce qu'ils sont ou est-ce que je souhaite coûte que coûte qu'ils respectent les règles? C'est bénéfique pour qui? C'est payant pour qui? Ça profite à qui?

Que mes élèves parlent dans les rangs.... C'est une chose. Je comprends fort bien qu'ils ne respectent pas la
         règle de l'école. Bien que...
Qu'ils ne me remettent pas tous leurs devoirs...C'est une autre chose. Je suis consciente qu'ils ont à travailler
        leur sens des responsabilités et qu'ils doivent être prêts pour la réalité du secondaire. Quoique...
Le bon élève est-il celui qui respectent les règles sans broncher ou celui qui apprend, qui comprend?
L'un me demande plus d'énergie que l'autre. Vrai. Mais l'un est-il vraiment meilleur que l'autre?

Laissez-moi me réjouir du fait que les quelques devoirs qui me sont remis sont bien faits, corrigés, propres.
Laissez-moi célébrer avec eux le fait qu'après un «TaYeule!» bien senti, ils ajoutent: «Je m'excuse ce n'était
          pas les bons mots. J'aurais dû te dire que cela me dérangeait.»
Laissez-moi espérer le meilleur quand un élève m'écrit à la fin de son travail: «Merci. J'ai beaucoup aimé
         apprendre des choses sur le système solaire.»
Laissez-moi savourer le fait qu'un parent me dise que son enfant est content de venir à l'école.

Je pense que nous sommes plus tributaires des «traditions scolaires» que nous le sommes de réelles réflexions, basées sur la réalité.  Une mesure d'urgence doit être mise en place pour mes élèves, il nous faut trouver du temps pour les apprentissages et un climat de classe où la confiance est présente, j'en conviens et la fatigue que mon visage ne peut trahir le démontre.  Par contre, si le système scolaire ne croit plus aux enfants qui éprouvent des difficultés, qui le fera? Si on en est rendu à réagir, est-ce dire que nous avons failli à pressentir et à prévenir?  Et si ce n'est pas à nous, éducateurs diplômés, équipe-multi et direction, de nous en occuper, que peut-on attendre pour ces enfants?  Qui le fera?

        À vous tous, partie prenante de cette grande machine qu'est l'Éducation, vous qui avez su  par un regard, par un mot, par un clin d'oeil, par un peu de proximité, d'écoute, d'encouragement, aidé un ou des jeunes à comprendre que notre présence est pour eux, que nos réflexions sont faites pour les porter plus haut, pour qu'ils puissent déployer leur plein potentiel et entrer dans la vie confiants, sécures et habiles, MERCI. Ce soir, vous m'inspirez et vous me rassurez.  Je sais qu'on ne parle pas souvent de vous, que vous ne recevez pas souvent d'encouragement, de reconnaissance. Je connais la petite portée des mots que je dépose ce soir, mais mes pensées sont sincères. Si elles peuvent vous rejoindre, j'en suis vraiment heureuse.

Oui, ce soir, je suis un peu triste. Je me refuse, par contre, à perdre mon optimiste. Si mes 25 moineaux peuvent avoir eu un tant soit peu de plaisir à apprendre et à découvrir qu'ils peuvent réussir, ma paie aura été justifiée.

Croire en eux, parce qu'en chacun d'eux, un bon élève est présent, je le sais, je le sens.
C'est ce que je peux faire de mieux.

samedi 6 novembre 2010

Mon entrée dans cette noble profession..

L'enseignement, c'est pour moi, la profession la plus noble qui soit.
Elle mérite d'être pratiquée avec un grand sérieux et beaucoup de professionnalisme.

Rien de moins.

Mais je dois être complètement honnête et vous dire qu'il n'en a pas toujours été ainsi.

Longtemps,  j'ai souhaité exercer la médecine. Je rêvais de gynécologie-obstétrique. Du plus loin que je me souvienne, ce rêve m'a toujours accompagnée. Je pensais que le fait d'avoir à accompagner quotidiennement de futurs parents, de les aider à préparer une arrivée toute en douceur et en santé pour leur petit poupon était ce qu'il y avait de plus noble.  Il me semblait qu'une entrée «réussie» dans la Vie leur permettrait une poussée de départ qui ne pourrait qu'influencer positivement la suite des choses.

Pendant plus de 15 ans, c'est que j'ai pensé, c'est ce que j'ai rêvé.

Puis, alors que je pouvais pratiquement poser la main sur ce grand rêve, je n'ai pu y accéder. Un grand «Tsunami» de la Vie m'a plaquée au sol pendant presque 8 mois, me laissant sombre et songeuse.

Ma mère a été enseignante pendant 33 ans. Pendant toute mon enfance, j'ai vu ma maman entrer le soir à la maison avec un petit panier blanc dans lequel se trouvait les travaux de ses élèves à corriger. Je l'ai souvent aidée à mettre des collants, à entrer ses notes dans son carnet de consignation, mais jamais je ne m'étais arrêtée à l'essence de ce qu'elle faisait. Elle apprenait à des enfants à lire, à écrire et à compter. Bon. Mais ça ne m'avait jamais vraiment interpellé, jamais vraiment intéressée.

Un beau matin de printemps, alors que je paressais, ma mère est entrée dans ma chambre en me disant qu'elle m'amenait passer la journée avec elle dans sa classe de 2e année. «Il n'y a rien de plus énergisant que des enfants.»Pas convaincue du tout, j'ai tout de même consenti à la suivre.

Je suis donc entrée dans sa classe, debout devant ces 20 petits de 8 ans, bien impressionnés de voir «la grande fille» de leur enseignante. «C'est quoi ton nom? Est-ce que tu vas dans la grande école de l'Université?». Les questions se sont faites omniprésentes, pressantes. Souriante face à cette animation, ma mère les a fait asseoir. Elle m'a présentée, leur a expliqué que je passerais la journée avec eux, que je serais là pour les aider et apprendre avec eux. «Youpi! Hourra!».  Les petits ont sorti leur cahier d'exercices de français. Pendant qu'ils se préparaient, ma mère m'a soufflé à l'oreille qu'elle devait sortir deux minutes. «Pas de problème, ça devrait aller.»

Je ne savais pas ce que cela annonçait. Jamais je n'aurais pu imaginer les conséquences de ce moment.

Les élèves étaient sagement assis, cahiers ouverts. L'absence de ma mère se faisant doucement sentir,
les minutes s'égrenant lentement au rythme des «tics» de l'horloge, j'ai pris sur moi de regarder ce que les enfants avaient à faire et je me suis mise à enseigner, à expliquer les parties du corps, à les situer, à les nommer, à jouer à «Jean dit». Puis, j'ai fait asseoir ces petits coeurs, et leur ai demandé d'écrire les parties du corps de la petite fille dessinée sur la page 15 de leur cahier.  Circulant entre les petits putpires, j'ai aidé, pointé et bien ri avec la petite puce qui avait écrit le mot bras sur la ligne pointant le nez du personnage.

La période s'est terminée. Ma mère est entrée dans le local et a géré la sortie des élèves pour la récréation.
Je me suis assise à son bureau et ai souri. Je ne comprenais pas trop trop ce qui se passait, mais je me sentais bien. La dernière période avait été agréable, j'avais eu du plaisir à être parmi eux. En revenant, un verre d'eau à la main, ma mère s'est contenté d'ajouter: «Je l'ai toujours su!»

Et c'est ainsi que j'ai passé les 5 mois suivants à faire des aller-retour entre la classe de ma mère, à questionner ses collègues,  la bibliothèque de l'Université pour finalement à poster ma demande d'admission  au  BEPP l'Université de Sherbrooke en me disant que c'était là le bon choix pour moi.

Peut-être que certains d'entre vous se demandent si mon rêve de médecine, de gynécologie-obstétrique s'est évanoui... Et bien peut-être serez-vous surpris d'apprendre que ce rêve, il est toujours en moi, qu'il m'habite
encore fortement. Est-ce que j'ai pensé laisser l'enseignement pour me consacrer aux secrets de la maïeutique? Absolument! Si vous saviez combien de fois j'ai imprimé les informations relatives au métier de sage-femme de l'UQTR....

Suis-je passé à côté de mes aspirations initiales? Ai-je repoussé mon rêve?
Au cours de mes premières années d'enseignement, honnêtement, je l'ai pensé.

Je crois que c'est mon collègue Fernand Cayer au cours d'une brêve rencontre qui a su expliquer le plus fidèlement et le plus efficacement ma situation et mes aspirations...

«Il y a un lien évident à faire, il me semble, entre ton rêve d'obstétrique et la profession enseignante que tu exerces en ce moment.  La gynécologie-obstétrique et l'enseignement sont deux métiers qui se ressemblent beaucoup.En obstétrique, on met les enfants AU monde, en enseignement, on met les enfants DANS le monde. Ces deux actions sont très nobles. Pour ma part, je trouve que mettre les enfants DANS le monde est une tâche précieuse, importante qui ne doit pas être prise à la légère. La question la plus importante est,
je crois : comment tu peux faire en sorte que l'entrée des élèves qui te sont confiés DANS le monde
se fasse le plus doucement possible? Le plus sainement possible? C'est là tout l'art de la porfession enseignante!»

Sans le savoir, dans toute sa grande sagesse, Fernand venait de donner une couleur, une poussée vers l'avant, une réflexion sur ma profession. En écrivant ces mots, je prends conscience que c'est ce qui motive
encore mon action quotidienne auprès de mes protégés, même après 11 ans de pratique.

L'enseignement est un métier vraiment important. Suffisamment important, je pense, pour qu'on le réfléchisse, le pratique et le rêve avec sérieux, rigueur et profesionnalisme. Moi, je ne peux exiger moins que cela pour
ma pratique. Mes élèves, nos élèves ne méritent pas moins.