lundi 8 novembre 2010

La définition d'un bon élève...

        Ce soir, je suis un peu triste. J'ai besoin d'écrire pour réfléchir.

         Cette année, les élèves avec lesquels je travaille me proposent un défi de taille: celui de l'intégrité vis-à-vis mes croyances fondamentales personnelles et pédagogiques.

           Je travaille dans une classe multi-programme du 3e cycle. J'ai 25 élèves. De ces élèves, plusieurs sont en fin de francisation. D'autres sont en grandes difficultés d'apprentissage. Puis enfin, j'ai 5 mousquetaires qui vivent avec un sentiment de compétence scolaire assez bas pour entretenir des comportements qui nous démontrent qu'ils ont choisi de bouder un système scolaire qui leur a permis de voir plus souvent leurs travers que leurs bons coups.

          J'ai commencé l'année toute enthousiaste avec un plan de match vraiment intéressant: ayant pris l'été pour décortiquer la progression des apprentissages, pour structurer ma classe afin qu'elle y accueille la différenciation d'une façon souple et flexible, je me retrouve avec l'impossiblité mettre en place mes idées parce que mes élèves n'ont pas la maturité cognitive et émotive pour relever le défi. Je dois avouer que j'ai été un peu déçue, mais pas découragée. Je me suis simplement dit qu'il fallait voir les choses d'un oeil différent.

          J'ai pris deux fins de semaine pour dresser le portrait le plus fidèle et complet des besoins de mes moineaux. Ayant à coeur leur développement maximal, j'ai remis le tout, à qui de droit, satisfaite et anticipant les ressources qu'on allait m'offrir.  À mon grand étonnement, les discussions que nous avons reposent sur des aspects qui me titillent un brin... Je ne sais trop comment me situer vraiment, mais je suis certaine qu'il ne faut pas perdre de vue que je travaille avec des enfants...

         Cette année, on dirait que je travaille avec deux types d'élèves: ceux qui ont compris qu'entrer dans le moule leur permettrait d'avoir un minimum d'ennuis et ceux qui, parce que ce n'est que ce qu'ils connaissent, agissent comme ils ont vu certains adultes le faire, comme ils le peuvent  faute de mieux.  On me demande d'établir de règles, des modes de fonctionnement qui ne laissent aucune place à l'erreur, aucune place à l'apprentissage. C'est du tout ou rien. Cette méthode sera efficace, je ne peux le nier. Cependant, je reste un peu  rétissante parce que je ne suis pas certaine qu'une peau irritée a besoin d'un traitement au gant de crin.

         Je sais  qu'une fleur ne pousse pas plus vite si on tire dessus. Je suis aussi assez certaine qu'elle ne pousse pas du tout si on la piétine. Est-ce que ce que je souhaite pour mes élèves est de les voir prendre leur envol, d'ouvrir leurs ailes et de se rapprocher de ce qu'ils sont ou est-ce que je souhaite coûte que coûte qu'ils respectent les règles? C'est bénéfique pour qui? C'est payant pour qui? Ça profite à qui?

Que mes élèves parlent dans les rangs.... C'est une chose. Je comprends fort bien qu'ils ne respectent pas la
         règle de l'école. Bien que...
Qu'ils ne me remettent pas tous leurs devoirs...C'est une autre chose. Je suis consciente qu'ils ont à travailler
        leur sens des responsabilités et qu'ils doivent être prêts pour la réalité du secondaire. Quoique...
Le bon élève est-il celui qui respectent les règles sans broncher ou celui qui apprend, qui comprend?
L'un me demande plus d'énergie que l'autre. Vrai. Mais l'un est-il vraiment meilleur que l'autre?

Laissez-moi me réjouir du fait que les quelques devoirs qui me sont remis sont bien faits, corrigés, propres.
Laissez-moi célébrer avec eux le fait qu'après un «TaYeule!» bien senti, ils ajoutent: «Je m'excuse ce n'était
          pas les bons mots. J'aurais dû te dire que cela me dérangeait.»
Laissez-moi espérer le meilleur quand un élève m'écrit à la fin de son travail: «Merci. J'ai beaucoup aimé
         apprendre des choses sur le système solaire.»
Laissez-moi savourer le fait qu'un parent me dise que son enfant est content de venir à l'école.

Je pense que nous sommes plus tributaires des «traditions scolaires» que nous le sommes de réelles réflexions, basées sur la réalité.  Une mesure d'urgence doit être mise en place pour mes élèves, il nous faut trouver du temps pour les apprentissages et un climat de classe où la confiance est présente, j'en conviens et la fatigue que mon visage ne peut trahir le démontre.  Par contre, si le système scolaire ne croit plus aux enfants qui éprouvent des difficultés, qui le fera? Si on en est rendu à réagir, est-ce dire que nous avons failli à pressentir et à prévenir?  Et si ce n'est pas à nous, éducateurs diplômés, équipe-multi et direction, de nous en occuper, que peut-on attendre pour ces enfants?  Qui le fera?

        À vous tous, partie prenante de cette grande machine qu'est l'Éducation, vous qui avez su  par un regard, par un mot, par un clin d'oeil, par un peu de proximité, d'écoute, d'encouragement, aidé un ou des jeunes à comprendre que notre présence est pour eux, que nos réflexions sont faites pour les porter plus haut, pour qu'ils puissent déployer leur plein potentiel et entrer dans la vie confiants, sécures et habiles, MERCI. Ce soir, vous m'inspirez et vous me rassurez.  Je sais qu'on ne parle pas souvent de vous, que vous ne recevez pas souvent d'encouragement, de reconnaissance. Je connais la petite portée des mots que je dépose ce soir, mais mes pensées sont sincères. Si elles peuvent vous rejoindre, j'en suis vraiment heureuse.

Oui, ce soir, je suis un peu triste. Je me refuse, par contre, à perdre mon optimiste. Si mes 25 moineaux peuvent avoir eu un tant soit peu de plaisir à apprendre et à découvrir qu'ils peuvent réussir, ma paie aura été justifiée.

Croire en eux, parce qu'en chacun d'eux, un bon élève est présent, je le sais, je le sens.
C'est ce que je peux faire de mieux.

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