samedi 6 novembre 2010

Mon entrée dans cette noble profession..

L'enseignement, c'est pour moi, la profession la plus noble qui soit.
Elle mérite d'être pratiquée avec un grand sérieux et beaucoup de professionnalisme.

Rien de moins.

Mais je dois être complètement honnête et vous dire qu'il n'en a pas toujours été ainsi.

Longtemps,  j'ai souhaité exercer la médecine. Je rêvais de gynécologie-obstétrique. Du plus loin que je me souvienne, ce rêve m'a toujours accompagnée. Je pensais que le fait d'avoir à accompagner quotidiennement de futurs parents, de les aider à préparer une arrivée toute en douceur et en santé pour leur petit poupon était ce qu'il y avait de plus noble.  Il me semblait qu'une entrée «réussie» dans la Vie leur permettrait une poussée de départ qui ne pourrait qu'influencer positivement la suite des choses.

Pendant plus de 15 ans, c'est que j'ai pensé, c'est ce que j'ai rêvé.

Puis, alors que je pouvais pratiquement poser la main sur ce grand rêve, je n'ai pu y accéder. Un grand «Tsunami» de la Vie m'a plaquée au sol pendant presque 8 mois, me laissant sombre et songeuse.

Ma mère a été enseignante pendant 33 ans. Pendant toute mon enfance, j'ai vu ma maman entrer le soir à la maison avec un petit panier blanc dans lequel se trouvait les travaux de ses élèves à corriger. Je l'ai souvent aidée à mettre des collants, à entrer ses notes dans son carnet de consignation, mais jamais je ne m'étais arrêtée à l'essence de ce qu'elle faisait. Elle apprenait à des enfants à lire, à écrire et à compter. Bon. Mais ça ne m'avait jamais vraiment interpellé, jamais vraiment intéressée.

Un beau matin de printemps, alors que je paressais, ma mère est entrée dans ma chambre en me disant qu'elle m'amenait passer la journée avec elle dans sa classe de 2e année. «Il n'y a rien de plus énergisant que des enfants.»Pas convaincue du tout, j'ai tout de même consenti à la suivre.

Je suis donc entrée dans sa classe, debout devant ces 20 petits de 8 ans, bien impressionnés de voir «la grande fille» de leur enseignante. «C'est quoi ton nom? Est-ce que tu vas dans la grande école de l'Université?». Les questions se sont faites omniprésentes, pressantes. Souriante face à cette animation, ma mère les a fait asseoir. Elle m'a présentée, leur a expliqué que je passerais la journée avec eux, que je serais là pour les aider et apprendre avec eux. «Youpi! Hourra!».  Les petits ont sorti leur cahier d'exercices de français. Pendant qu'ils se préparaient, ma mère m'a soufflé à l'oreille qu'elle devait sortir deux minutes. «Pas de problème, ça devrait aller.»

Je ne savais pas ce que cela annonçait. Jamais je n'aurais pu imaginer les conséquences de ce moment.

Les élèves étaient sagement assis, cahiers ouverts. L'absence de ma mère se faisant doucement sentir,
les minutes s'égrenant lentement au rythme des «tics» de l'horloge, j'ai pris sur moi de regarder ce que les enfants avaient à faire et je me suis mise à enseigner, à expliquer les parties du corps, à les situer, à les nommer, à jouer à «Jean dit». Puis, j'ai fait asseoir ces petits coeurs, et leur ai demandé d'écrire les parties du corps de la petite fille dessinée sur la page 15 de leur cahier.  Circulant entre les petits putpires, j'ai aidé, pointé et bien ri avec la petite puce qui avait écrit le mot bras sur la ligne pointant le nez du personnage.

La période s'est terminée. Ma mère est entrée dans le local et a géré la sortie des élèves pour la récréation.
Je me suis assise à son bureau et ai souri. Je ne comprenais pas trop trop ce qui se passait, mais je me sentais bien. La dernière période avait été agréable, j'avais eu du plaisir à être parmi eux. En revenant, un verre d'eau à la main, ma mère s'est contenté d'ajouter: «Je l'ai toujours su!»

Et c'est ainsi que j'ai passé les 5 mois suivants à faire des aller-retour entre la classe de ma mère, à questionner ses collègues,  la bibliothèque de l'Université pour finalement à poster ma demande d'admission  au  BEPP l'Université de Sherbrooke en me disant que c'était là le bon choix pour moi.

Peut-être que certains d'entre vous se demandent si mon rêve de médecine, de gynécologie-obstétrique s'est évanoui... Et bien peut-être serez-vous surpris d'apprendre que ce rêve, il est toujours en moi, qu'il m'habite
encore fortement. Est-ce que j'ai pensé laisser l'enseignement pour me consacrer aux secrets de la maïeutique? Absolument! Si vous saviez combien de fois j'ai imprimé les informations relatives au métier de sage-femme de l'UQTR....

Suis-je passé à côté de mes aspirations initiales? Ai-je repoussé mon rêve?
Au cours de mes premières années d'enseignement, honnêtement, je l'ai pensé.

Je crois que c'est mon collègue Fernand Cayer au cours d'une brêve rencontre qui a su expliquer le plus fidèlement et le plus efficacement ma situation et mes aspirations...

«Il y a un lien évident à faire, il me semble, entre ton rêve d'obstétrique et la profession enseignante que tu exerces en ce moment.  La gynécologie-obstétrique et l'enseignement sont deux métiers qui se ressemblent beaucoup.En obstétrique, on met les enfants AU monde, en enseignement, on met les enfants DANS le monde. Ces deux actions sont très nobles. Pour ma part, je trouve que mettre les enfants DANS le monde est une tâche précieuse, importante qui ne doit pas être prise à la légère. La question la plus importante est,
je crois : comment tu peux faire en sorte que l'entrée des élèves qui te sont confiés DANS le monde
se fasse le plus doucement possible? Le plus sainement possible? C'est là tout l'art de la porfession enseignante!»

Sans le savoir, dans toute sa grande sagesse, Fernand venait de donner une couleur, une poussée vers l'avant, une réflexion sur ma profession. En écrivant ces mots, je prends conscience que c'est ce qui motive
encore mon action quotidienne auprès de mes protégés, même après 11 ans de pratique.

L'enseignement est un métier vraiment important. Suffisamment important, je pense, pour qu'on le réfléchisse, le pratique et le rêve avec sérieux, rigueur et profesionnalisme. Moi, je ne peux exiger moins que cela pour
ma pratique. Mes élèves, nos élèves ne méritent pas moins.

3 commentaires:

  1. Merci, mille mercis pour ce billet.

    RépondreSupprimer
  2. Enseignantes de mère en fille... c'est vrai que c'est un beau métier!

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour...

    moi c'est le contraire...

    je suis medecin generaliste en France et mon "reve" etait d'etre instituteur ...
    J'enseigne donc a mes patients a prendre soin d'eux :)

    RépondreSupprimer