Je l'ai souvent écrit, mais c'est ma réalité.
Il y a maintenant 10 ans que je partage mon quotidien avec des écoliers.
Le tiers de ma carrière est fait.
Quel constat j'en retire?
Qu'est-ce que cela m'amène comme réflexion?
Comment cela me permet d'anticiper les prochaines années?
Depuis 10 ans, la milieu de l'éducation a beaucoup changé.
Je suis entrée sur le marché du travail avec la Réforme.
Cela trace une toile de fond non négligeable et cela
aura pu avoir une incidence réelle sur mon vécu professionnel.
Il me semble que depuis 10 ans, mon travail se définit par beaucoup
de «nébuleux». Il aura fallu 2 ans à ma commission scolaire pour me
fournir une définition de ce qu'est une compétence.
Il aura fallu 10 ans avant qu'on se penche sur l'évaluation.
Et encore, dans certaines de classes que je côtoie, la pédagogie
du projet, dans sa version la plus pure, est identifiée comme étant
l'assise de ce qui sous-tend le programme de formation.
Permettez-moi d'être un peu lasse de cette situation.
J'en ai bien discuté avec les personnes directement concernées
dans mon milieu et à la CS. Quelle est la réponse qu'on m'offre
indubitablement? «Il faut respecter le rythme de chacun. On ne peut
aller plus vite que les capacités d'apprentissage et d'appropriation des
enseignants en poste.» Cette réponse me donne littéralement de l'urticaire.
On est en train de me dire que «le système», en acceptant ce précepte,
accepte de se mettre au rythme des enseignants les plus réticents,
et disons-nous les vraies choses, les moins investis avec le résultat
d'éteindre ceux qui ont un peu d'initiative. J'ai déjà discuté avec direction
du fait que les besoins des situations de nos classes, on cherche à différencier
pour que chacun puisse trouver la stimulation nécessaire afin de déployer son
plein potentiel, pourquoi ne pourrait-il pas en être ainsi avec les enseignants?
Pourquoi ne pas réfléchir à un système permettant à des enseignants
volontaires, engagés, passionnés, d'explorer, de se former, de créer du matériel,
de s'associer avec les CP et même avec d'autres enseignants du Québec qui
ont les mêmes préoccupations, pour faire un pas en avant. J'ai simplement
proposé que dans mon quartier, on puisse se regrouper, les profs du 3e cycle
pour faire des cercles de lecturesur certains ouvrages pédagogiques et on m'a
dit que cela me serait reproché parce que cela relavait du travail des CP.
En ce début de 2011, je me souhaite que la petite flamme,
celle qui m'amène à réfléchir sur la teneur des actions pédagogiques,
celle qui m'amène à vouloir être aussi professionnelles que possible,
reste présente et aussi ferme que possible dans les circonstances.
Depuis 10 ans, j'ai aussi appris ce qu'être syndiquée signifie.
J'apprécie les conditions de travail; congé,salaire, fonds de retraite..
Il y a toujours place à l'amélioration, mais pour l'instant, cela correspond
à mes besoins.
J'ai aussi réalisé que le fait que notre profession donne accès à une permanence
est un drôle de cadeau. Je n'ai jamais travaillé dans un milieu privé et peut-être
que ma perception est erronée, mais je pense que lorsque ton travail n'est pas
garanti à moins d'une faute professionnelle grave, l'employé fait à la fois partie
des problèmes et des solutions de l'entreprise. Et si l'employeur malgré des
moyens mis en place, s'aperçoit que l'employé refuse de faire partie des solutions,
on le remercie de ses services.
En 10 ans, j'ai vu des profs tenir des propos inappropriés sur d'autres collègues.
Des propos qui tuent, qui ne permettent pas de véritables communications.
En 10 ans, j'ai côtoyé un collègue grandement reconnu dans le monde
de l'éducation qui enfermait certains enfants dans leur casier en s'appuyant
sur la porte quand il les trouvait trop agités, ou qui les assoyait SUR les casiers
en leur disant qu'il tiendrait compte d'eux quand ils seraient prêts à travailler.
J'ai bien parlé de mes observations et de mes craintes à ma direction de l'époque
qui m'a répondu: « C'est un passionné, tu dois comprendre.»
En 10 ans, j'ai entendu, vu et dû travailler avec le fait que certains enseignants
confondent les enfants en erreur dans leur enseignement et que malgré le fait
que je sois en bout de piste du 3e cycle primaire, il faut que je reprenne des
notions de base comme « la soustraction avec emprunt» parce que le système
de numération n'est pas acquis. Grrrrrrrrrrrrrrrr.
En 10 ans, j'ai vu des profs avoir des interventions désabusées, pas très
pédagogiques avec des élèves. «Tu n'as pas mal au poignet, tu as mal à l'orgueil.»
et le lendemain l'enfant venant me voir avec son crayon en me disant:
«Signerais-tu mon plâtre?»
Pour 2011, je me souhaite d'avoir l'intégrité de reconnaître les
situations dans lesquelles mes valeurs ne sont pas respectées et
de les remettre à qui de droit. Je me souhaite de continuer d'exiger
de moi un grand professionnalisme, de toujours garder en tête le
mandat ÉDUCATIF de mon travail.
En 10 ans, j'ai aussi croisé des enseignants allumés, inspirants, professionnels,
dévoués et rarement reconnus. J'ai pu tenir avec eux de grandes discussions
pédagogiques qui m'ont poussée vers l'avant, vers une plus grande rigueur,
vers l'innovation en ayant toujours le meilleur intérêt des enfants au coeur
de nos préoccuaptions.
Pour 2011, je me souhaite de reconnaître, de trouver, de chérir ces
relations professionnelles qui font de moi une meilleure personne,
une meilleure enseignante. Je me souhaite aussi de prendre le temps
de remettre à ces enseignants toute l'admiration que j'aie pour eux,
pour leur magnifique travail, pour ce qu'ils apportent à ce grand métier.
Mais surtout, pour 2011, je me souhaite l'intégrité de reconnaître
si ma place est toujours en enseignement, si je suis toujours aussi
et suffisamment amoureuse de cette profession pour faire fi de ses
grandes limites et des irritants qui y sont inhérents.
Et à vous tous, je vous souhaite que 2011 soit remplie du plaisir de découvrir
avec vos élèves, du plaisir d'expérimenter. Je vous souhaite une communauté
pédagogique stimulante, qui vous aidera à faire un pas, qui saura alimenter
vos réflexions et vos développements pédagogiques.
Merci de me lire et merci pour les rétroactions et les commentaires que vous
joignez à mes réflexions. Vous êtes des agents précieux de mon développement
professionel.
Bonne année 2011!